Le Parisien, le 5 février 2014

A 8 ans, Ruben est aujourd’hui en CE 1 et va à l’école tous les matins après avoir eu des difficultés à s’exprimer pendant des années.

C’est un coup de gueule. Celui qu’on parvient à pousser quand on sort doucement de plusieurs années d’enfer et qu’on sait que des dizaines de milliers de familles y sont encore plongées. En lançant aujourd’hui une campagne contre l’autismophobie en , Olivia Cattan n’a pas peur d’inventer un mot, même un peu imprononçable.

« Il y a une telle trouille de l’autisme ici! De la peur, de la méconnaissance, aucune médiatisation positive… Ils sont 600000, autant qu’il y a d’élus  dans ce pays… et on ne les voit nulle part! » Pour avoir vécu l’isolement, l’absence de mains tendues, le vide que fait autour de soi un enfant différent, cette militante de 46 ans, présidente de l’association Paroles de femmes, en est persuadée : « Comme l’actrice  l’a fait aux Etats-Unis, il faut rendre visible ce handicap! » Elle a elle-même mis du temps à accepter ce mot douloureux pour son fils Ruben, 8 ans, diagnostiqué autiste voilà trois ans. Mais comment appeler autrement cette montagne à soulever pour être scolarisé comme les autres, cette course d’obstacles pour espérer vivre, un jour, une vie normale?

Des artistes pour sensibiliser l’opinion

Comme aux Etats-Unis donc, ce sont les artistes qui vont les premiers se mobiliser pour les autistes. Marc Lavoine, Audrey Dana, Marie-Claude Pietragalla, Jean Dujardin, Carla Bruni ou encore Thomas Dutronc… Tous se sont engagés auprès de l’association SOS Autisme en France, créée pour porter la campagne, à lutter contre les préjugés et les discriminations faites aux personnes autistes. Ils vont donc parrainer au grand jour ces enfants invisibles, habituellement reclus chez eux ou dans des instituts médico-éducatifs pas toujours adaptés à leurs besoins. « 80% des enfants autistes ne sont pas scolarisés en France, faute d’auxiliaires de vie scolaire formés de manière appropriée », déplore Olivia Cattan. Or comme ils sont dans le mimétisme, la scolarisation est essentielle pour eux! » Quand bien même les familles essaient de sociabiliser leurs enfants autrement, dans les clubs de sports ou les cours de musique, les portes s’entrebâillent très difficilement. « Même en Chine, où l’on ne peut pas dire que l’humain soit une priorité, 25% des personnes handicapées ont une licence sportive. En France, seulement 1%! » Elle-même n’a jamais réussi à inscrire son gamin au tennis ou au conservatoire, alors qu’il en rêve. « On m’a renvoyé vers la Fédération française de trampoline… C’est à pleurer ! »

Un numéro SOS pour les familles

La campagne souriante avec les artistes, c’est une chose. Le quotidien truffé d’embûches, d’absence quasi-totale de solutions, les couples qui explosent de devoir gérer leur enfant dans un huis clos épuisant, c’en est une autre. SOS Autisme en France lance donc aujourd’hui une plate-forme téléphonique d’écoute pour que les familles puissent signaler toutes les discriminations dont elles sont victimes. Quitte à employer les grands moyens et à rappeler à l’Etat que le Conseil de l’Europe a déjà condamné la France en 2004 pour sa prise en charge défaillante de l’autisme. « On attaquera en justice chaque fois qu’une structure refusera d’accueillir un enfant autiste, même accompagné d’un éducateur spécialisé, comme ça arrive tous les jours », assure Olivia Cattan. « Il n’y a pas que des mauvaises intentions certes, mais il y a une loi, il est grand temps qu’on la fasse respecter! »

SOS autismophobie : 0.820.71.00.54. (numéro indigo à la charge de l’appelant). Disponible à partir du 2 avril

2018-05-04T21:39:41+00:00