Campagne de sensibilisation 2018

Monsieur le Président de la république, Madame Brigitte Macron

Cela fait plusieurs années que je travaille auprès des enfants autistes, étant mère d’un enfant autiste et sœur d’un autiste diagnostiqué à 35 ans. Je suis Présidente de SOS autisme France que vous connaissez pour nos différentes actions de sensibilisation et de lutte pour l’intégration des personnes autistes dans notre société. Vous avez tous deux montré de l’intérêt pour cette cause. Je vous ai rencontré et travaillé avec vous sur les différentes propositions qui changeraient la vie des familles. Mais aujourd’hui, journée internationale de l’autisme, la situation est plus qu’intenable pour des milliers de vos concitoyens.

Vous le savez, la France a 40 ans de retard et cela ne se rattrapera pas en un jour, nous en sommes tous conscients.

L’intégration à l’école est toujours de 20% en primaire et il n’y a toujours que 2% de personnes autistes qui ont accès à l’emploi. La situation des autistes adultes est catastrophique. Les médecins et l’ensemble des personnels de santé ne sont pas formés, les auxiliaires de vie scolaire et les professeurs ne le sont pas davantage. Les séances des thérapeutes formés à l’autisme sont hors de prix et non remboursés par la sécurité sociale.

Et malgré vos bonnes intentions, et une Ministre du Handicap engagée et à l’écoute, rien ne change ou si peu et surtout pas assez vite. Nos enfants grandissent et n’ont plus le temps d’attendre. Le temps politique n’est pas en adéquation avec notre urgence.

Il ne suffit pas de vouloir changer les choses avec quelques mesures qui mettront des années avant d’être effectives et ressenties dans notre quotidien. Il faut un plan Marshall de l’autisme pour faire face une crise sanitaire de grande ampleur.

La situation des familles est dramatique. Surendettées, précaires, isolées, les familles sont seules face au handicap de leur enfant, devant se battre pour trouver les rares spécialistes de l’autisme, des thérapeutes formés et compétents, pour les inscrire à l’école, trouver des places en Sessad ou IME et des formations professionnelles…

Les mamans d’enfants autistes sont, généralement, obligées de s’arrêter de travailler et leur isolement social est d’une violence indicible.

Mais le pire dans tout cela est l’inégalité sociale d’une prise en charge nécessaire et adaptée que nous ne pouvons pas tous offrir à nos enfants. Et cette inégalité d’accès aux « soins » est inacceptable. Pourquoi alors qu’il y a 600 000 personnes autistes, la prise en charge n’est-elle toujours pas remboursée intégralement ?

On ne guérit pas de l’autisme. Mais nos enfants grâce aux méthodes comportementales dispensées par des psychologues apprennent à parler, à se tenir à table, à adopter les bons comportements, à intégrer des apprentissages et réussissent à progresser. Grâce aux séances dispensées par des psychomotriciennes, nos enfants apprennent à tenir un stylo, à descendre les escaliers, à mâcher et avaler des aliments solides. Grâce aux ergothérapeutes, nos enfants parviennent à supporter certains bruits, certaines odeurs. Ils apprennent à  maitriser le temps, à s’organiser….Et ils apprennent ainsi à devenir plus autonomes. Ce qui limite les crises de violence, les stéréotypies et divers tocs.

Et là je m’adresse à Madame la première dame, à vous, chère Brigitte Macron, vous qui êtes une mère.

Voulez-vous chère Brigitte, que je vous raconte notre quotidien de maman ? J’aimerais tellement vous inviter à passer une journée avec moi afin que vous compreniez réellement la situation.

Notre journée commence tôt et se finit souvent très tard. Les enfants autistes ont des difficultés de sommeil, dorment peu ou se réveillent plusieurs fois dans la nuit lorsque la mélatonine n’agit plus.

Certains enfants autistes vont à l’école lorsque nous avons réussi à les faire admettre, après de nombreuses batailles devant un corps professoral qui ne veut pas d’eux. Alors nous les accompagnons à l’école pour quelques heures ou pour quelques demi-journées, suivant ce qui leur est accordé. Et cela aussi sous condition d’avoir obtenu une Auxiliaire de vie scolaire. Parfois les familles se déplacent avec l’enfant pour rien, lorsque l’AVS est absente. Parfois elles ne se déplacent plus parce que l’AVS a démissionné et n’a pas été remplacée. Parfois elles se déplacent pour des réunions et encore d’autres réunions lorsque l’AVS, non formée spécifiquement à l’autisme, ne sait pas s’y prendre avec l’enfant. Et que les professeurs ne peuvent plus faire face à cette situation dans une classe de 30 élèves. Alors au lieu de se dire qu’il faut mieux former les AVS et le personnel enseignant, on exclut l’enfant expliquant aux familles que l’école n’est pas un lieu adapté à son handicap. Mais où est sa place alors ? A son domicile ? En IME ?

Mais les IME sont pleins et les places sont manquantes, alors sa place est-elle à l’autre bout du lieu de résidence de la famille ou hors des frontières de leur propre pays, obligeant les familles à faire d’incessants allers-retours, ce qui détruit la fratrie !

Mais chère Brigitte, reprenons la description de notre journée. Lorsque l’enfant va à l’école. Il nous faut trouver tout de même les bons thérapeutes formés à ce syndrome spécifique : Orthophonistes, psychologues, psychomotriciennes, ergothérapeutes. Le SESSAD ou l’IME qui a encore de la place en espérant que tous ces professionnels suivent les recommandations de la Haute autorité de Santé. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Et nous accompagnons et raccompagnons nos enfants pour chacune de ces séances, devenant de véritables taxis.

Puis il y a toutes les crises à gérer à la maison, dans la voiture, en faisant ses courses ; les tocs répétitifs, leurs mains qu’ils lavent ou relavent, les stéréotypies qui parfois les envahissent. Les jets d’objets ou les coups violents.

Il y a le moment des repas où la sélection alimentaire que beaucoup d’entre eux font, nous oblige à composer chaque menu avec beaucoup de finesse afin de les nourrir correctement.

Puis il nous faut également trouver le médecin qui sait comment appréhender une personne autiste et établir un véritable parcours de soins. Ainsi qu’un dentiste qui accepte de le soigner, sans anesthésie générale, lorsque notre enfant a une simple carie. Parce que faire passer une radio, ou emmener un enfant autiste à l’hôpital est à chaque fois une longue préparation pour l’enfant et une appréhension pour nous, ayant peur d’être face à des Médecins ou infirmiers non formés qui ne sauront pas s’y prendre. Nous avons eu échos grâce à des médecins et des familles de situations dramatiques.

Et dans ce pauvre temps qu’il nous reste, on s’informe, on se forme à différentes méthodes afin de les aider au maximum.

Mais le nerf de la guerre reste aussi l’argent de chacune des séances de psychologues, de psychomotriciennes et d’ergothérapeutes, qui coûtent 70€ l’heure. Sans compter les tarifs d’une auxiliaire de vie scolaire privée lorsque nous tentons de leur offrir un parcours scolaire adapté à leurs besoins et pérenne, et qui peut atteindre 2000€ par mois.

Donc vous l’aurez compris, nous parents d’enfants autistes, nous n’avons ni repos, ni répit. Parce que lorsque notre journée est finie, nous pensons à leur avenir lorsque nous ne serons plus. Et quel avenir peuvent-ils avoir en France si vous ne remédiez pas de façon urgente à la situation ?

Les exemples d’autres pays où les personnes autistes sont bien pris en charge et intégrées ne manquent pas : Le Canada, les Etats-Unis, Israël, l’Italie…Mais j’ai parfois l’impression que la situation de nos enfants n’émeut pas grand monde dans la classe politique. A part quelques députés sensibles et engagés, nos enfants ne semblent pas être une urgence. Sans parler de la Ministre de la Santé ou le Ministre de l’éducation nationale dont « les agendas sont surchargés » les empêchant de recevoir les familles.

Pourtant il ne s’agit pas seulement de handicap mais de santé publique et de droit à l’éducation.

Depuis plusieurs mois, nous avons recensés grâce à nos antennes de province toutes les difficultés des familles. Et sur tout le territoire, y compris dans les grandes métropoles, les difficultés sont immenses ; J’ai rencontré et parlé avec des Médecins, du généraliste au spécialiste jusqu’au dentiste ; Des urgentistes comme Patrick Pelloux ; Des pompiers. Et ils tous sont d’accords sur deux points : Les médecins ne sont pas formés et ne savent pas toujours accueillir et soigner les personnes autistes. Mais ce qui est préoccupant est que l’autisme n’est pas suffisamment enseigné aux étudiants en médecine. Les médecins de demain ne seront donc pas plus formés que les précédents.

Les séances dispensées par les psychologues et les psychomotriciennes ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, créant une inégalité sociale entre nos enfants. Et il serait temps de faire une loi afin d’y remédier.

L’Education nationale dans son ensemble, à part quelques exceptions, n’est pas prête à accueillir nos enfants parce qu’elle n’a pas assez de moyens financiers, et pas d’accompagnantes de vie scolaire et de professeurs formés.

Quant à l’emploi, à la culture ou au sport, vous comprendrez qu’après un tel parcours de vie, peu de nos enfants, y ait accès.

Alors je me tiens à votre disposition pour vous remettre ces comptes rendus de nos antennes de province, pour vous faire rencontrer ces familles, ces médecins, ces avs, ces professeurs de bonne volonté qui nous soutiennent et qui dénoncent avec nous cette situation d’urgence.

Alors cher Président et chère Brigitte Macron,   je vous adresse cette lettre ouverte afin que vous compreniez mieux la situation que vivent des milliers de familles, nos attentes et nos espoirs.

2018-05-04T21:38:19+00:00